Réforme de la taxe patrimoniale

C’est un dossier aux multiples rebondissements qui a connu son épilogue le 28 décembre dernier, à la faveur de l’adoption d’un projet de loi portant dispositions fiscales diverses qui prévoit notamment une réforme de la taxe patrimoniale dont doivent s’acquitter les A(I)SBL et les fondations. Après bien des efforts, l’Unisoc a pu obtenir de nombreux allègements par rapport au projet initial, mais certains secteurs ne pourront malheureusement pas en bénéficier et doivent s’attendre à un surcoût.

fiscalité

À l’occasion de l’ajustement budgétaire du 31 mars dernier, le gouvernement a décidé de revoir le système de la taxe patrimoniale pour les ASBL (ainsi que les AISBL et les fondations privées). Ainsi, il est question du remplacement du taux forfaitaire de 0,17 % pour les organisations dont le patrimoine atteint le seuil de 25.000 € par un tarif progressif par tranche. Le projet de loi portant dispositions fiscales diverses, qui inclut un chapitre visant à modifier le Code des droits de succession en vue de concrétiser cette réforme, a été approuvé en séance plénière de la Chambre le 28 décembre dernier.

Concrètement, le seuil d’exonération totale de la taxe passe de 25.000 € à 50.000 €. Pour les ASBL dont le patrimoine est supérieur à 50.000 €, un système de taxation progressif par tranche est instauré comme suit :

  • rien sur la première tranche de 50.000 € ;
  • 0,15 % sur la tranche de 50.000,01 à 250.000 € ;
  • 0,30 % sur la tranche de 250.000,01 à 500.000 € ; et
  • 0,45 % sur ce qui excède 500.000 €.

Les ASBL dont le patrimoine a une valeur n’excédant pas 250.000 € paieront donc moins que par le passé. Pour les ASBL dont le patrimoine a une valeur située entre 250.000 € et 500.000 € et celles dont il a une valeur supérieure à 500.000 €, le surcoût financier sera donc important, avec une augmentation allant parfois du simple au triple.

Très tôt, l’Unisoc avait attiré l’attention du gouvernement sur l’impact budgétaire de cette mesure sur le secteur à profit social et avait pu constater avec satisfaction que le projet de loi prévoyait un « mécanisme de neutralisation » de l’impact de la réforme pour les organisations et les activités qui tombent dans le champ d’application de l’article 44, § 2, 1° et 2° du Code TVA. Ce mécanisme de neutralisation implique que 62,3 % de la valeur des avoirs du redevable échappent à l’assiette de la taxation.

Concrètement, cela signifiait que, pour le secteur hospitalier ainsi que pour d’autres secteurs des soins et du bien-être (entre autres maisons de repos et de soins, soins aux personnes handicapées, aide familiale, mutualités, crèches), la réforme n’aurait pas d’impact négatif et le taux de la taxe patrimoniale resterait +/- 0,17 %. L’application du tarif par tranche devrait même générer une économie pour les organisations qui bénéficient du mécanisme de neutralisation.

En revanche, l’Unisoc a constaté que trois des secteurs à profit social n’étaient pas encore repris dans la liste des bénéficiaires du mécanisme de neutralisation et allaient dès lors être financièrement fortement impactés par la réforme si elle devait se concrétiser : le secteur des entreprises de travail adapté (commission paritaire 327), le secteur socioculturel (commission paritaire 329) et l’enseignement (seulement pour ce qui concerne son patrimoine mobilier, son patrimoine immobilier affecté à l’enseignement bénéficiant déjà d’une exemption de la taxe).

L’Unisoc a demandé dès lors qu’une solution soit trouvée pour ces trois secteurs également, dans la mesure où il en va de leur pérennité et donc du maintien des services d’intérêt général qu’ils proposent à la population.

Suite à une procédure en conflit d’intérêts lancée à partir du parlement francophone bruxellois (COCOF) et au dépôt d’une série d’amendements parlementaires, les entreprises de travail adapté ont été incluses dans le mécanisme de neutralisation.

Les efforts se sont poursuivis pour obtenir l’élargissement de ce mécanisme aux secteurs socioculturel et de l’enseignement et ces efforts ont payé également : le 20 décembre dernier, suite à un nouveau conseil des ministres, les partis de la Vivaldi (soutenus par Les Engagés) se sont mis d’accord pour ouvrir le mécanisme de neutralisation à de nouveaux secteurs, dont le sport, la culture et l’enseignement en plus des maisons médicales, des refuges pour animaux et des centres d’archives privées.

Au sein du secteur socioculturel, l’amendement visant le sport devrait couvrir tous nos membres et l’amendement visant la culture devrait couvrir une bonne partie de nos membres. En effet, l’article 44, § 2, 9° du Code TVA, dont le législateur s’inspire, vise « l'organisation de représentations théâtrales, chorégraphiques ou cinématographiques, d'expositions, de concerts ou de conférences ainsi que les livraisons de biens étroitement liées à ces prestations de services par des organismes reconnus par l'autorité compétente, et pour autant que les recettes tirées de leurs activités, servent uniquement à en couvrir les frais ».

Le mécanisme de neutralisation pourra donc viser une série de secteurs tels que les centres culturels, les centres d'expression et de créativité ou encore certains organismes d'éducation permanente ou certaines ONG, mais tout dépendra donc du type d'activité exercée, avec des examens au cas par cas de l’administration fiscale, et donc avec toute l’insécurité juridique que cela peut générer.

Enfin, il faut constater que certains secteurs relevant du socioculturel ne sont visés ni par l’amendement sport ni par l’amendement culture. C’est pour éviter cette insécurité juridique et ces différences de traitement que l’Unisoc a toujours demandé que le mécanisme de neutralisation bénéficie à l’ensemble du secteur socioculturel et donc de la CP 329. Le législateur n’est hélas pas allé jusque-là.

À noter que, suite à notre demande au cabinet du ministre des Finances Van Peteghem, le projet de loi avait été adapté en vue d’apporter une réponse à la situation des structures de gestion patrimoniale. Exemple : un hôpital dispose d’un parking payant et confie la gestion de ce parking à une ASBL créée à cet effet. La loi prévoit ainsi que cette ASBL bénéficie aussi du mécanisme de neutralisation mais attention : seulement si au moins 75 % de son patrimoine est affecté par l’hôpital à la réalisation d’opérations visées à l’article 44, § 2, 1° et 2° du Code TVA. L’Unisoc avait demandé de supprimer cette condition de 75 % mais le législateur n’a pas suivi.

Remarque : les biens immobiliers situés à l’étranger ne sont plus exemptés.

Le chapitre de cette loi portant dispositions fiscales diverses est entré en vigueur le 1er janvier 2024. Pour rappel, la taxe patrimoniale doit être payée au plus tard le 31 mars de l’exercice d’imposition. Plus d’informations sur le site du SPF Finances.

 

UPDATE 01/03/2024

Vous trouverez également ici une circulaire publiée par l'AG Documentation patrimoniale du SPF Finances et commentant la loi du 28 décembre 2023.

 

Retour vers la fiche thématique