Les gardes à domicile : les suites de l’arrêt Matzak
Le 21 février 2018, la Cour de justice de l’Union européenne a défini ce qu’il fallait entendre par temps de travail dans le cadre de gardes à domicile ou astreintes. Un sujet très important dans différents secteurs à profit social vu les services qui sont offerts par plusieurs de nos organisations qui nécessitent de fonctionner avec des gardes. Cet arrêt répondait à une question préjudicielle posée par la cour du travail de Bruxelles. Le 20 janvier dernier, la cour du travail de Bruxelles vient de rendre son arrêt dans l’affaire en cause.
La Cour de justice de l'Union européenne a estimé dans cet arrêt Matzak, du nom d’un pompier volontaire de la ville de Nivelles, que lorsque le travailleur perd, du fait de sa garde à domicile, toute liberté de gérer son temps pour ses besoins personnels, sa période de garde devait être considérée comme temps de travail (voir notre commentaire à l’époque). Rappelons que, dans le cas soumis à la Cour, le pompier volontaire de garde à son domicile devait en cas d’appel pouvoir rejoindre la caserne dans les 8 minutes à compter de l’appel (une très stricte condition).
Cet arrêt répondait à une question préjudicielle posée par la cour du travail de Bruxelles.
Le 20 janvier dernier, la cour du travail de Bruxelles vient de rendre son arrêt dans l’affaire en cause.
En ce qui concerne la notion de temps de travail, la cour se rallie évidemment à l’interprétation de la Cour de justice rappelée ci-dessus. Par contre, comme la directive européenne sur le temps de travail du 4 novembre 2003 (directive 2003/88/CE) ne traite pas du droit à la rémunération, cette matière relevant des seuls États membres, c’est sur ce point qu’a dû se prononcer la cour du travail de Bruxelles.
Quel enseignement peut-on tirer de cet arrêt quant à la rémunération éventuellement due à un travailleur astreint à des gardes à domicile ?
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- Si le travailleur dispose pendant sa garde de la possibilité de gérer son temps pour ses besoins personnels, c’est-à-dire s’il dispose d’un temps raisonnable pour répondre à l’appel de son employeur et s’il peut en outre faire usage de moyens techniques qui lui permettent de se déplacer pendant la garde (son GSM par exemple), cette période de garde n’est pas considérée comme du temps de travail. Le travailleur n’a pas droit à une rémunération, sauf pour la période pendant laquelle il répond à un appel et qu'il commence effectivement à travailler. Ceci n’empêche évidemment pas les parties de convenir librement d’une indemnisation de l’inconvénient que constitue la garde à domicile pour le travailleur, par exemple sous la forme d’une indemnité forfaitaire ou non.
- Si par contre le travailleur est obligé de répondre immédiatement et dans un délai très bref à tout appel, ce qui l’empêche d’exercer toute activité personnelle qui ne pourrait immédiatement et sans préavis être interrompue et aussi de quitter son domicile, la période de garde doit être considérée comme du temps de travail. Elle devrait donc être rémunérée. Cela ne signifie pas pour autant que cette garde doit être rémunérée comme des prestations effectives ordinaires. Rien n’empêche, lorsque les taux de rémunération sont fixés, de prévoir un taux de rémunération spécial pour les périodes de garde à domicile astreignantes qui serait différent du taux de rémunération ordinaire.
Il faut évidemment dans ce cadre respecter la hiérarchie des sources de droit. Si la convention collective de travail du secteur ne prévoit qu’un seul taux de rémunération pour toutes les périodes de temps de travail, il ne sera pas possible d’y déroger. Si ce n’est pas le cas la convention sectorielle elle-même, une convention d’entreprise pourrait aussi fixer pour les gardes un taux de rémunération inférieur au taux de rémunération des prestations effectives.
C’est ce principe qui a été appliqué dans l’arrêt Matzak rendu par la cour du travail de Bruxelles : les pompiers volontaires de la ville de Nivelles relèvent d’un règlement communal qui prévoit une indemnité (assez basse) pour toute garde à domicile, qu’elle constitue ou non du temps de travail. L'employeur refusait de payer cette indemnité fixée par le règlement communal, mais il y a été obligé par la cour du travail. Si le travailleur de garde est appelé, il retrouve évidemment le droit à sa rémunération pour des prestations effectives.
Deux conseils peuvent donc être donnés :
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- Éviter, si possible, au maximum des gardes à domicile accompagnées de conditions d’appel très contraignantes : on conserve dans ce cas toute liberté de fixer ou non une indemnisation, et si c’est le cas d’en fixer conventionnellement le taux (ne doit pas être égal au salaire normal).
- Si néanmoins les travailleurs qui effectuent des gardes à domicile sont appelés à répondre dans des délais très brefs aux appels, ce qui entrave fortement l’exercice de toute activité personnelle et tout déplacement, il est conseillé de fixer un taux de rémunération particulier pour le temps de ces gardes à domicile, afin de ne pas devoir payer la rémunération ordinaire pendant une période où aucune prestation effective ne sera effectuée.